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un soutien à l'adoption

La boîte à racines

Le concept de la Boîte à Racines est né du désir de Johanne Lemieux d'offrir à nos enfants des ancrages, des objets, des symboles et surtout un lieu précis où aller chercher des informations sur leur vécu pré-adoption.
Cette boîte doit leur appartenir et contenir tout ce qui leur sera utile pour combler les vides dans le puzzle de leur vie pré-adoption.
Au fur et à mesure de son développement, de sa curiosité, des événements de sa vie il pourra grâce à cette boîte trouver des réponses seul, avec son parent ou avec des amis.
Ce qu'il ira chercher à 4 ans sera motivé par des questionnements différents qu'à 7 ou à 14 ans.
Ce qu'il comprendra sera aussi très variable selon son âge. Il pourra choisir d'y aller souvent ou presque jamais selon son rythme et ses besoins.

Cette Boîte à Racines sera aussi un instrument pour faciliter la tâche du parent qui aura à répondre à des questions.
Les enfants aiment voir, prendre et manipuler des objets. Les enfants parlent plus facilement en faisant des choses plutôt qu'en leur imposant de bavarder "sérieusement".
La boîte servira d'accessoires, d'élément déclencheur pour alimenter la conversation, susciter des questions, favoriser l'échange et la recherche d'informations plus précises.

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Comment monter cette boîte ? Quelques principes à suivre

1. Tout d'abord, prenez plaisir à choisir une jolie boîte ou un joli coffret en plastique, en métal ou en carton solide. Elle doit être de la dimension d'une petite valise pour qu'elle puisse facilement contenir plusieurs objets. Elle doit pouvoir être facilement placée dans la chambre ou la garde-robe de votre enfant. Elle doit être attrayante et joyeuse pour que l'enfant la perçoive comme un beau cadeau qu'on lui offrira une fois que son contenu sera rassemblé.

2. La boîte ne devra contenir que des objets faisant référence :

On pourra ranger les souvenirs post-adoption à un autre endroit

3. Tous les objets et paperasses doivent être conçus de façon solide car cette boîte pourra être offerte à un enfant de 18 moins ou de 12 ans. La plastification des documents est fortement recommandée !

4. Seuls les papiers contenant des renseignements révélant que l'enfant aurait été conçu suite à un viol ou à de l'inceste ou le décès par meurtre ou suicide de son parent ou des adresses précises qui pourraient mettre en péril la vie privée de tierces personnes ne doivent pas faire partie de la boîte. Ces renseignements devront être accessibles lorsque l'enfant sera beaucoup plus grand. Si vous hésitez, SVP, consulter un intervenant qui s'y connaît en adoption.

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Le contenu de la boîte :

1. Mes archives à moi

Conserver précieusement les documents concernant l'adoption de notre enfant est une chose utile et nécessaire. Par contre, les garder cachés et secrets ne fait qu'amplifier artificiellement leur valeur symbolique. Plus ils sont tabous et interdits, plus l'enfant aura l'impression qu'on lui cache quelque chose de grave, de honteux, de dramatique et même de dangereux. Son imagination sera beaucoup plus fertile et insidieuse s'il n'a pas accès aux faits. Ces secrets pourraient aussi être faussement interprétés comme un manque de confiance du parent envers l'enfant.

Hors qu'y a-t-il de si terrible dans ces documents ? Qu'y a-t-il que l'enfant ne puisse ou ne doive vraiment pas savoir ? Au nom de quoi devrions-nous ne pas lui montrer, ne pas lui remettre ? Pourquoi faudrait-il attendre qu'il soit majeur pour qu'il y ait accès comme bon lui semble ?

Hormis quelques exceptions mentionnées plus loin, les documents devraient plutôt servir de pont entre le passé et le présent, mais sans barrière. Aller voir dans la boîte avec l'enfant à chaque fois qu'il posera une question ou aura des sentiments quelconques à propos de son adoption pour chercher et y découvrir la réponse est au contraire un moyen privilégié de rattacher les petits morceaux de rubans du passé …

Rassemblez donc tous les papiers suivants :

Conserver tous les originaux en lieu sûr mais faites des photocopies noir et blanc et couleur de tous ces documents. Idéalement plastifier le tout, faites une page couverture où il est inscrit Les Archives Personnelles de ____________ (nom de l'enfant) puis faites relier le tout avec trois rubans colorés et solides.

Placez enfin le document dans la boîte

2. Mes deux arbres généalogiques

Tous les parents adoptifs et leurs enfants seront confrontés dès l'entrée à l'école au célèbre devoir : faire son arbre généalogique !!!

Ce devoir est fort embêtant pour de nombreux enfants qui ne vivent par dans une famille "traditionnelle" des années cinquante. Ce devoir est confrontant pour les familles séparées, reconstituées, les familles homosexuelles, monoparentales, les enfants placés en famille d'accueil et bien entendu les enfants adoptés !

Si on ne s'y est pas préparé, il se peut que l'on soit fort désemparé à gérer les questions et réactions émotives que vivra notre enfant.

Par contre, si depuis toujours, il y a dans la boîte un dessin des deux arbres généalogiques il n'y aura pas de surprises désagréables. Le sujet aura déjà été abordé, les informations seront digérées et disponibles. L'enfant pourra alors y référer et choisir comment il veut faire ce fameux devoir : avec un seul arbre ou avec deux …

Il s'agit simplement de dessiner deux arbres généalogiques côte à côte où s'entrelacent des racines. Entre les deux arbres au-dessus des racines on place une photo de notre enfant et son nom. Dans l'un des arbres on met nos noms, les noms des 4 grands-parents etc. Dans l'autre arbre on écrit soit les noms des parents biologiques si nous les connaissons ou simplement "papa cambodgien", "maman cambodgienne", "grand-maman cambodgienne" et ainsi de suite.

On peut y ajouter un petit texte où on souligne que contrairement à la plupart de ses compagnons de classe, il a la chance d'être le fruit de 4 personnes : deux qui lui ont donné la vie, la couleur de ses yeux et de sa peau et deux qui lui donnent au quotidien et pour toujours l'amour, sa langue, sa culture, la sécurité, le goût de grandir, les moyens d'être heureux et en bonne santé.

Ainsi l'enfant ne percevra pas cette particularité comme un manque mais comme une particularité qui le rend spécial dans un sens très positif. Au lieu de se sentir coincé par ce devoir, on le transforme en opportunité de discuter avec notre enfant de ses multiples origines et de lui faire prendre conscience qu'il arrivait aussi d'une longue lignée d'êtres humains dans son pays d'origine. Cela est rendu encore plus facile si l'enfant avait déjà vu, regardé et manipulé le dessin des deux arbres avant. Il aura des questionnements faciles ou difficiles mais au moins vous serez là pour l'accompagner et lui répondre avec un outil concret.

3. Ton adoption : une grossesse collective

Pour se bâtir une bonne estime d'eux-mêmes, tous les enfants du monde ont besoin d'avoir été profondément désirés par leurs parents. De par les nombreux abandons qu'ils ont subis, nos enfants adoptés ont besoin qu'on saisisse toutes les opportunités de leur démontrer que, malgré les abandons, ils avaient beaucoup de valeur aux yeux de nombreuses personnes.

Il faut démontrer à l'enfant que des dizaines et des dizaines de personnes se sont données la main pour réussir cette adoption. Une longue chaîne humaine s'est symboliquement formée entre lui qui avait besoin d'une famille et nous qui désirions un enfant.

Cette chaîne peut être comparée à une grossesse collective où de nombreux adultes ont joué un rôle parfois petit, parfois plus gros mais toujours important pour la réussite du projet.

On peut inscrire tous les noms ou fonctions de ces personnes sur une longue série de petites bulles sur un long fil qui va du pays d'origine jusqu'au pays d'adoption. Ceci peut par exemple inclure :

Hum… Cela en fait du monde qui tenait à ce que cet enfant trouve une famille ! Notre enfant a besoin de savoir cela.

Pour de bonnes ou mauvaises raisons son parent biologique n'a pas pu lui offrir une vie de famille. C'est une triste réalité qu'il devra saisir et dont il devra faire éventuellement le deuil. Mais il pourra éventuellement être fier de dire qu'il était tellement précieux que tous ces gens ont travaillé fort pour qu'il soit adopté par vous !

4. Des gens pareils comme moi

Afin que notre enfant apprivoise tranquillement sa double identité ethnique et culturelle, nous devons lui offrir des exemples, des modèles positifs. Des coupures de revues, livres sur le pays d'origine, une cassette vidéo touristique datant idéalement de l'année de sa naissance, des reportages écrits ou visuels sur des gens célèbres, des sportifs, des artistes qui sont de la même origine peuvent être rassemblés dans un album et glissés aussi dans la boîte.

5. Le conte dont je suis le héros

Parents adoptifs : À vos crayons de couleur, à votre ordinateur et vivement sortez votre créativité !!!!

L'objet probablement le plus utile de la boîte à outils, est le conte que vous allez écrire à votre enfant. Bien sûr, il y a les photos et la vidéo du voyage et de l'arrivée à l'aéroport qui servent à lui raconter son histoire. Cependant pour susciter la réflexion, l'introspection, la curiosité sur son vécu préadoption, il faut à l'enfant un espace où il pourra utiliser son imagination et exprimer ses fantasmes positifs ou négatifs.

Lui écrire un conte même de quelques pages où est raconté ce qui lui est arrivé avant son arrivée chez vous, est un cadeau qu'il accueillera avec surprise et émotion ! WOW ! papa et maman ont pris la peine de d'écrire un conte, un livre avec des images juste sur moi et juste pour moi !!!!

Comment écrire ce livre ?

Il faut s'inspirer de la forme du conte traditionnel en commençant par "Il était une fois" et en terminant "ils vécurent une merveilleuse vie en famille pour toujours".

Il faut y mettre une certaine poésie, des références culturelles aux deux pays. Par exemple : "Il était une fois, au Royaume du Siam là où il n'y a que deux saisons et où les toits des temples sont recouverts d'or" "Pendant ce temps au pays du Québec là où il y a quatre saisons et de grands glaçons d'argent tombent des toits".

Il faut décrire

Les images doivent être dessinées ou être photocopiées de dessins existant. Les photos ne permettent pas à l'enfant d'y voir autres choses que des faits et l'empêchent d'exprimer son inconscient à travers la lecture du conte avec vous.

Utilisez le nom d'origine de votre enfant au début du conte puis son nouveau nom (ou en ajoutant le nouveau nom de famille si on a conservé le premier nom) à la fin.

Essayez de trouver un titre accrocheur : "Le petit éléphant du Siam", "La princesse des Andes" (titre inventé par une maman adoptive d'une enfant née en Bolivie), "Le petit star sans château", "La fleur des Îles", etc. Bref ! laissez aller votre imagination et votre cœur d'enfant !

6. La flamme du survivant

Le dernier objet mais non le moindre à mettre dans la Boîte à Racines c'est un dessin ou un bricolage représentant une flamme très forte, brillante et lumineuse.

Nous savons tous que nos enfants adoptés sont d'incroyables survivants. Ils sont restés vivants malgré les abandons, la malnutrition, le manque de soins médicaux, la faim, la soif, les épidémies. Les chiffres du service social international de Genève en Suisse sont terrifiants : pour 10 enfants abandonnés à la naissance à peine un ou deux seront encore vivants à l'âge d'un an… Il s'agit bien entendu d'une moyenne qui tient compte de tous les orphelinats du monde : ceux des pays plus riches où la survie des enfants est excellente comme ceux des pays en guerre, ceux qui recueillent les enfants atteints du Sida, ceux qui vivent sous les bombardements ou pendant des inondations et des épidémies…

Cette terrible sélection "naturelle" fait que nous avons raison de conclure que nos enfants avaient des forces de survie bien au-dessus de la moyenne. Nous le savons, nous le sentons mais est-ce que nous leur disons ??? Il faut absolument qu'ils l'entendent de notre bouche !!! Il faut qu'ils sachent que nous les trouvons forts et courageux de s'être accrochés à la vie assez longtemps pour que nous puissions aller les chercher et les aimer. Il faut qu'ils puissent se rappeler de cela quand ils se trouveront moins bons qu'un autre, qu'ils auront des difficultés à l'école ou qu'on leur dira des choses blessantes. Il faut leur dire :

"Oui, la vie n'est pas toujours facile mais toi tu as déjà prouvé que tu étais capable de te sortir de choses bien plus difficiles !!!! Tu as une force hors du commun, là dans ton cœur. C'est une flamme que personne n'a réussi à éteindre !!!"

En lui disant cela vous pouvez sortir la flamme, lui donner pour lui qu'il ait du courage à l'école ou durant son camp scout ! Regardez bien les yeux de votre enfant lorsque vous lui raconterez cela.

Je vous mets au défi de ne pas la voir cette flamme dans ses yeux !!!!

Johanne Lemieux

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